Questions sur vos électroharpes
Bonjour,
Nous nous sommes croisés hier au concert d’Andresy (je suis la demoiselle qui portait un T-shirt noir avec une harpe, des cheveux courts et clairs avec des mèches noires sur le devant…); je vous avais posé quelques questions sur vos harpes, mais je n’ai pas eu le temps de vous harceler autant que je l’aurais voulu !
Alors voilà:
– j’ai été étonnée par vos taquets – en particulier ceux de l’électroharpe cordée en nylon. J’ai cru voir que la mécanique se situe au milieu de la console et non à l’extérieur ? Quels sont les avantages d’une construction pareille ? Et j’ai remarqué que vous pouviez faire varier les notes en les levant et en appuyant dessus; je n’en avais jamais vu de la sorte ! Est-ce qu’ils sont toujours fabriqués ?
– pour revenir sur les « étouffoirs »; je crois me souvenir que vous les aviez dessinés vous-même ? Comment les actionnez-vous: par une pression du poignet ? En tous cas c’est une idée géniale; je suppose que grâce à eux, vous n’avez pas eu à modifier votre technique pour jouer de la harpe à cordes métalliques ? Je m’étais beaucoup renseignée, et il semble que la difficulté pour cette harpe, c’est qu’il faut refaire toute sa technique pour pouvoir étouffer.
Le concert d’hier a totalement chamboulé ma vision de la harpe avec ces deux éléments que je n’avais jamais vu. En tous cas, je suis définitivement amoureuse de l’électroharpe, qui offre une foule de possibilités passionnantes !
Encore merci pour votre concert; c’était magnifique ! J’écoute vos CDs depuis que je suis toute petite et vous avez toujours été une grande source d’inspiration pour moi. C’est d’ailleurs la beauté des airs traditionnels qui m’ont poussée à quitter le conservatoire pour me consacrer à la musique traditionnelle, en particulier auprès de Janet Harbison. Une fois mon Bac passé en juin, je partirai un an étudier la musique en Écosse, avant d’entreprendre des études supérieures. Je tire beaucoup d’énergie de votre musique, en particulier Reflets et Parcours ! Je suis très heureuse de vous avoir entendu chanter mes morceaux préférés, hier (Silvestig, Je suis né au milieu de la mer et Tri Marolod). Et j’ai beaucoup aimé les morceaux d’Emerald; le mélange des genres est vraiment réussi.
j’ai été moi aussi heureux de vous rencontrer.
Je n’ai jamais joué que sur des prototypes uniques. Après le travail de mon père, j’ai conçu, du moins les idées et le dessin, tous les prototypes que j’ai fait construire, grace aussi bien sûr aux constructeurs eux-mêmes, depuis les années 70. Et souvent, même les taquets sont uniques.
Depuis la harpe plexiglas réalisée par Leo Goas en 1986-87, mes harpes solid-body bénéficient du principe des harpes sudaméricaines, cordes centrales qui gardent mieux l’accord. Ceci impose en principe des mécaniques « anormales ».
Pour ce qui est de varier la note, on peut aussi le faire avec des systèmes plus habituels.
J’ai tout dessiné, y compris les étouffoirs, sauf qu’eux ont été redessinés au plus près par les constructeurs pour la précision. Sur une harpe je peux en plus actionner une pédale, sur la harpe centrale, seulement le poignet.
Pendant de nombreuses années, j’avais des harpes plus traditionnelles, donc pas d’étouffoir pour faciliter la tâche. Je me suis simplement concocté ma technique perso. En l’occurence, c’est d’abord la musique qui s’adapte, sans devoir passer par la technique bardique.
Tout ça remonte déja à bien loin, puisque j’ai dessiné de futures harpes électriques quand j’avais 14 ans… Et la guitare électrique venait de débarquer en Europe!
A Andresy je n’étais pas si à l’aise que ça pour les titres anciens que vous citez, car pas facile de bien s’entendre dans le casque. Il faut même s’y ré-habituer au bout de deux mois hors tournée.
A galon,
alan
Merci beaucoup de m’avoir donné tous ces détails ! Vous avez du beaucoup apprendre auprès de votre père. Ça doit être très émouvant de jouer sur des instruments que l’on a dessiné soi-même…
J’avais cru remarquer la ressemblance avec les harpes sur-américaines, en effet; en plus de la stabilité de l’accord, les mécaniques ont l’air de permettre une grande précision au moment d’accorder la harpe.
Vous avez décidément apporté des tas de choses au monde de la harpe ! L’électroharpe commence tout juste à se faire une place chez les harpeurs. D’ailleurs, puis-je me permettre de vous demander votre avis sur le modèle de Camac, la DHC Blue Light ?
Il me semble que c’est idéal pour commencer dans le monde des instruments électriques (je n’ai pas trouvé son pareil chez d’autres facteurs comme Salvi), mais je me demande ce dont les ingénieurs seront capables d’ici quelques années !
En ce qui concerne les cordes métalliques, j’ai encore quelques questions; est-il possible, selon vous, de ré-encorder une harpe qui avait des cordes en nylon avec des cordes métalliques ? J’ai demandé à des luthiers qui m’ont donné des réponses à l’opposé les unes des autres; les uns disent que la harpe ne supporterait pas la tension des cordes métalliques, d’autres disent que ça ne change rien… Qu’en pensez-vous ?
Pour ce qui est de votre technique à la harpe avec des cordes métalliques, je suppose que vous l’avez développée vous-même ? Sans les étouffoirs, comment faisiez-vous pour étouffer vos cordes sans avoir à changer totalement votre position ?
J’ai aussi l’impression que ce sont des instruments qui résonnent beaucoup plus que des harpes avec des cordes en nylon, et que cela empêche de jouer des morceaux rapides (jigs, reels…) qui provoqueraient un flou sonore perturbant. C’est peut-être pour cela que vous jouez des deux instruments ? Cela vous permet-il de jouer un répertoire très large, justement ?
Je bouillonne d’autres questions, mais je préfère n’en poser que quelques unes à la fois ! J’espère que je ne prends pas trop de votre temps.
j’avais eu surtout l’occasion de tester leur première electro-harpe dessinée je crois par un japonais. J’appréciais autant ou plus l’esthétique que leurs electroharpes actuelles. Pour ce qui est du son, elles me semblent toutes acceptables pour une utilisation d’étude; pour les concerts, seulement avec beaucoup d’effets electroniques. Il est vrai que je place la barre du son des harpes au top du top, puisque ma toute première faite par mon père l’était déja. En général je trouve que les harpistes, classiques compris, se contentent d’un son plutôt moyen. Mais il faut dire que j’apprécie moyennement le son de toutes les harpes classiques et de la grande majorité des celtiques…
Il est normal que vous ayez eu des réponses contradictoires, puisque c’est en général possible si par exemple vous ne cherchez pas à démarrer et finir sur les mêmes notes qu’avec l’autre cordage. D’autre part, selon la harpe, ses dimensions, etc, le résultat va être bon ou mauvais. J’ai fais l’expérience dans les 2 sens sur 2 harpes. Sur la plexi-alu (la transparente) faite par Leo Goas, j’avais prévu un cordage métallique. Il sonnait plutôt mal. Je l’ai donc mis en nylon. Et le son est correct. Mais bien sûr pas les mêmes notes. Sur une harpe faite par Kopo, l’inverse. De plus, travaillant toujours sur des protos, j’ai toujours beaucoup essayé de cordes diférentes, grosseurs, etc, avant d’opter pour des cordages definitifs. Mais j’ai passé plus de temps aux instruments eux-mêmes qu’à la pratique…Mais toujours dans ma hiérarchie musicale la supériorité du son sur les notes.
Votre question sur l’impossibilité (sic) de morceaux rapides sur cordes metalliques m’amuse ou m’interpelle.
Vous auriez donc zappé mon travail d’une trentaine d’année où je me suis consacré justement à celles-ci. Votre professeur ne vous a donc pas conseillé d’écouter « Renaissance de la harpe celtique » avec ses reels et ses jigs ( et très peu de nylon)? Car en effet si reproche il y a, ce n’est pas à des jeunes comme vous mais à vos profs (pas tous j’espère). Car, sans vouloir faire de pub, il y a au moins 3 raisons d’écouter ce disque.
La première harpe celtique que mon père a construit pour la faire renaître était nylon-boyau. Pendant 10 ans je n’avais joué donc que sur celles-ci. Puis son idée en 1964 de réaliser une première bardique qui a été pour moi une nouvelle révelation. Pendant 3 decennies, je n’ai ensuite utilisé la cordée nylon-boyau qu’anecdoctiquement. Ceci jusqu’en 1995 où j’ai eu envie d’y revenir pour au moins 3 raisons, les cordes métal à leur tour jouant le second rôle. Au moins pour l’oreille, il s’agit quasiment de deux instruments, pour le doigté, moins (en ce qui me concerne). Aide en en tous cas à la diversité musicale.
Par ailleurs je compte toujours trouver le temps un jour de donner quelques cours ou master-classes au moins sur le Net.
Bonjour Alan,
Avec un peu de retard, je voulais juste vous dire que j’avais vraiment beaucoup apprécié votre concert à Andresy. J’habite en région parisienne et je viens régulièrement vous voir lorsque vous passez en concert dans la région. A chaque fois je me dis que je vais finir par me lasser et à chaque fois c’est un tel plaisir de vous écouter que je reviens. Et puis quelque soit l’endroit où vous passez, vous donnez toujours le meilleur de vous même. C’est quelque chose de très important je pense pour ceux qui vous apprécie et c’est quelque chose qu’on ressent très fort chez vous. A chaque fois, on sent que vous faites les choses pour le mieux.
Vraiment c’était un très beau concert à Andresy, tous les morceaux étaient bien choisis, le son était très bon et le groupe a très bien joué alors que le précédent concert était quand même assez éloigné.
A nouveau merci beaucoup pour tout ce que vous faites.
Mickaël.
Merci!
Faire tout pour que ce soit à chaque fois le meilleur concert possible est tout à fait normal. On aimerait que tout frise la perfection, mais c’est impossible. Le mieux est la moindre des choses.
Kenavo,
alan
Je n’ai jamais joué que sur des prototypes uniques. Après le travail de mon père, j’ai conçu, du moins les idées et le dessin, tous les prototypes que j’ai fait construire, grace aussi bien sûr aux constructeurs eux-mêmes, depuis les années 70. Et souvent, même les taquets sont uniques.
Depuis la harpe plexiglas réalisée par Leo Goas en 1986-87, mes harpes solid-body bénéficient du principe des harpes sudaméricaines, cordes centrales qui gardent mieux l’accord. Ceci impose en principe des mécaniques « anormales ».