ELEMENTS BASIQUES / ELFENNOù DIAZEZ/ BASIC ELEMENTS
DES THÈMES SOUVENT MAL CONNUS OU MAL COMPRIS
1/ LA CELTIE, UNE RÉALITÉ CONCRÈTE
La Celtie n’est ni plus ni moins un mythe que la France.
La Celtie et la France : la Bretagne a un pied dans chacune de ces entités.
2/ LA MUSIQUE CELTIQUE EXISTE, JE L’AI RENCONTRÉE
Vous pouvez-voir dans mes anciens articles quelques éléments de base.
Dès que possible, je montrerai de manière plus détaillée ce qu’est la Musique Celtique. Les personnes qui émettent des doutes à son sujet sont très pardonnables, car aucun professeur ne leur a jamais enseigné cette matière.
En effet, même si, heureusement, des ethno-musicologues comme Donatien Laurent et Yves Defrance admettent plutôt cette réalité, je suis le seul à en avoir fait une spécialité.
Ayant fait le choix de privilégier concerts et enregistrements, je n’ai pu l’enseigner.
3/ LE PEUPLE BRETON
Les français, en général, refusent cette notion qui fait peur.
Pour ce faire, ils sont obligés de tourner autours du pot avec des expressions comme « Région à très forte personnalité ».
Quand une communauté humaine a un degré d’originalité et de différence avec ses voisins, qui lui a permis de créer une langue, avec des concepts comme la féminité de l’arbre, la phrase dominée par le verbe, le collectif l’emportant sur singulier et pluriel, un mot pour dire l’être humain, une phonétique tellement à part, construit des bâtiments ne ressemblant pas à ceux de ses voisins (ou cousins) continentaux, mais à ceux de ses cousins de l’autre côté de la mer, quand cette communauté s’est battu pendant des siècles pour son indépendance contre les puissants francs, français et anglais, quand cette communauté manifeste aujourd’hui une originalité totale dans la création musicale et festive, quand elle montre, chaque fois qu’elle peut, son attachement à ce qu’elle est, même si on lui a enlevé les mots pour l’exprimer et les moyens de l’affirmer, dans le monde entier, on appelle ça : un Peuple.
Aujourd’hui, et tant que des personnes en Bretagne parleront, penseront, joueront des musiques, différemment des Franciens (Français de culture, d’origine), existera un peuple breton distinct du peuple francien.
4/ LA HARPE CELTIQUE EN BRETAGNE AU MOYEN AGE
Fut un instrument important de la culture aristocratique (plusieurs livres en parlent, mais le plus démonstratif est « Telenn, la harpe bretonne »). Elle est donc le patrimoine et l’héritage des bretons. Mais elle n’est pas un instrument traditionnel.
5/ PREMIÈRES TENTATIVES DE REIMPLANTATION (DE LA HARPE CELTIQUE)
à partir de 1911 : Paul Le Diverres, plus tard Gildas Jaffrennou ;
des prestations très ponctuelles pour l’un, l’éloignement du sol breton pour les deux, n’ont permis aucune réimplantation de l’instrument.
6/ LA RENAISSANCE DE LA HARPE CELTIQUE EN BRETAGNE
a commencé en novembre 1953 et fut rapidement établie dans les années 50 ;
ses responsables : Georges-Jord Cochevelou et moi-même.
7/ PREMIÈRES TENTATIVES DE MUSIQUE BRETONNE MODERNE
Deuxième moitié des 50s:
même si je considère aussi les bagadoù ( …ou la harpe celtique) comme une forme moderne, je veux parler de Pierre-Yves Moign (Son ha Koroll), Evit Koroll, inspirés des Ceilidh-bands écossais pour le premier et de musiques jouée en bal avant la dernière guerre pour le second.
Des expériences intéressantes, mais pas plus d’ambition de communication au grand public que les bagadoù ou les cercles celtiques.
C’est vrai aussi pour les tentatives qui ont suivi au début des 60s : Les Kabalererien, An Tri Bintig, An Namnediz.
8/ LE PREMIER CHANTEUR BRETON : GLENMOR
J’entends ce mot en tant qu’artiste à vocation professionnelle et public « normal », au-delà du tourisme, des fêtes folkloriques et du microcosme culturel breton.
Cela n’enlève rien aux talents des Loeiz Ropars, Zaïg Montjarret, Eliane Pronost, Andrea Ar Gouilh qui font partie du contexte précédemment décrit.
Glenmor (Milig Ar Skanv), à partir de 1958, professionnellement à partir des années 60.
Il apporte un grand souffle, des textes, une voix, un charisme fulgurant et sort, pour la première fois, du contexte plus ou moins traditionnel qu’on connaissait.
Son nationalisme breton lui ferme les portes entrouvertes aux chanteurs à texte francophones.
Il n’ambitionne pas les 20h30 de la télé et le grand public, mais il irradie assez au-delà de la Bretagne militante.
9/ LE DEUXIEME CHANTEUR BRETON :
Je commence à chanter à partir de 1966, professionnellement à partir de 1967 (contrat international avec Philips, futur Universal).
J’ai voulu lancer un nouveau mouvement musical, à la fois par de nouveaux mélanges instrumentaux et par un travail de communication professionnel.
J’ai eu d’abord un public restreint en Bretagne et en France (et déjà aussi en Italie, Grande-Bretagne, Irlande).
Parmi ce public, les chanteurs et musiciens qui seront les premiers à me suivre : Dan Ar Bras, Maripol, An Triskell, Bernard Benoit, Claude Besson, etc.
10/ AUTRES ARTISTES, MUSICIENS, CHANTEURS
A la fin des années 60 et le début des 70s, l’influence de Glenmor et la mienne poussent d’autres à se mettre aussi à chanter ou à jouer.
Glenmor est plutôt responsable de la vocation de Gilles Servat, Kirjuhel, Kerguiduff et d’autres, je suis plutôt suivi par Tri Yann an Naoned et An Tregeriz, puis Gweltaz ar Fur, Diaouled ar Menez, Sonerien Du, etc.
11/ MA « POP CELTIQUE »
Mes idées de Rock celtique dataient déjà de la fin des 50s.
Avant les 70s, je n’ai pu commencer qu’en solo (parfois duo, accompagné de Steve Waring ou Dan Ar Bras), donc plutôt folk, sauf quelques rares occasions.
Ce n’est qu’à partir de 1970-71 que j’ai pu mettre en application mes idées de fusions, surtout entre musique celtique et rock, mais aussi avec des apports extra-occidentaux (World).
12/ MES ARRANGEMENTS MUSICAUX
Dans les 60s, quand je sonnais, par exemple, la « suite plin » d’Etienne Rivoallan avec Youenn Sicard, ou que j’écrivais mes arrangements pour le bagad Bleimor, je commençais à imaginer des futurs morceaux comme Pop-Plinn.
Pour celui-ci, comme pour les précédents ou les suivants, j’ai d’abord écrit l’arrangement bombarde, harpe, guitare, clavier, basse, batterie.
J’ai pu faire appel à plusieurs musiciens courant 71: Gabriel Yacoub, René Werner, Gilles Tynaire, etc. ; Dan est revenu « chez moi » à la fin de l’année avec Michel Santangelli.
Dans l’ensemble, ou ils ne lisaient pas ou n’aimaient pas trop le faire ; j’ai donc expliqué oralement mon morceau à chacun des musiciens.
Nous sommes dans le contexte du rock qui, comme le jazz ou la variété, laisse plus de liberté d’interprétation que le classique ; c’est aussi cela qui donne cette vitalité plus naturelle ; l’un ou l’autre pouvait éventuellement suggérer une idée, comme celle de Dan de doubler la phrase A du premier plinn (c’était déjà une chose qu’on faisait parfois dans les gavottes traditionnelles).
Hormis cela, Dan et les autres ont apporté leurs talents d’instrumentistes dans le son, le swing et l’interprétation. Le public en a été enthousiaste.
Le seul petit bémol, qui n’en est pas forcément un : j’aurais aimé qu’ils s’intéressent, de beaucoup plus près, à la culture et à la musique que je leur faisais jouer.
Une plus grande rigueur aurait peut-être rendu plus indiscutables et intemporels mes enregistrements et concerts de l’époque ; mais peut-être, qu’au contraire, cela aurait sonné plus « cérébral » au grand public, comme ça été le cas, je crois, par la suite.
En tous cas, ça reste audible, ce qui n’est pas le cas de tous les disques du début des 70s.
13/ L’INTERNATIONALISATION DE LA MUSIQUE BRETONNE
Le fait de chanter en Breton principalement, mais aussi mes goûts, m’ont amené à mettre l’accent sur la musicalité, une musicalité assez proche, comme on le sait, des anglo-celtes :
deux raisons pour un accès plus facile au public étranger que pour la plupart des chanteurs francophones ; ce n’est pas paradoxal.
Comme dit plus haut, je commence à chanter à l’étranger dès 1966-67.
En juin 68, je suis au Queen Elizabeth Hall de Londres, invité des Moody Blues, groupe star de l’époque.
Dès 1973, je pars à l’attaque des pays anglophones, de l’Allemagne, la Scandinavie, puis l’Italie et l’Espagne.
Et dès 1980, ma musique a pénétré les foyers presque autant à l’étranger que dans tout l’hexagone.
Ça fait « fier » de raconter ça ; mais je suis surtout heureux que, d’une certaine façon, c’est la Bretagne qui a fait cette conquête pacifique, et surtout, je pense que tous les jeunes bretons pourraient être plus fiers et attentifs à leur culture, s’ils le savaient. Je suis donc obligé d’en parler.
14/ LA DEUXIÈME VAGUE
Les prémices de celle-ci furent : mon contrat de distribution chez Dreyfus-Sony en 1987, ma collaboration croisée avec Kate Bush, et, au début des 90s, les festoù-noz avec Ar Re Yaouank et le groupe rock EV, l’invitation d’Erik Marchand par les Trans, mon passage avec EV aux « Rockers ont du cœur », et les débuts de Denez Prigent.
Puis, c’est, en 1993, la préparation de mon album Again, son enregistrement, la 1ère soirée Héritage des Celtes à Kemper (dont j’étais) en juillet, et c’est enfin la sortie de Again avec la pub TF1 automne-hiver, puis ma tournée bretonne et française en 1994 qui vont véritablement lancer la « deuxième vague ».
Again est un très gros succès populaire qui va aider d’autres projets à se mettre en place, des bons et des moins bons : Dao Dezhi, puis l’explosion de l’Heritage des Celtes, et, d’une autre manière, un certain groupe de Rap …; ma réaction à ce rapt sera, je crois, utile.
N’oublions pas l’année de l’Irlande qui a mis ce pays cousin à la mode pour longtemps, le savoir faire de Jean-Pierre Pichard jouant la carte St Patrick (Stade de France), etc. et le Festival Interceltique lui-même qui va attirer l’attention des media.
15/ DOUBLE IDENTITE
Dans le 1/ , je parle d’une double appartenance de la Bretagne.
Un breton est citoyen de la république française, comme il appartient à la communauté des peuples celtes.
Sur le plan culturel, il est métissé à des degrés divers, d’abord entre culture française et culture celtique, puis par les apports antiques et médiévaux internationaux, et enfin avec les divers apports contemporains.
Cette situation est la situation normale pour tous ceux qui vivent sur les pourtours du territoire hexagonal.
Mais, en fin de compte, on peut considérer que c’est la rêgle pour la majorité des gens. Quand ils ne sont pas bretons ou corses, ils sont d’origine ou de culture juive, maghrébine, italienne, ou… hongroise.
C’est pourquoi je suis sans cesse étonné par les propos qui nous enferme en France. Nous avons tous un pied dedans, un pied dehors. Cette dualité est le lot commun et même la véritable identité de l’hexagaulois.
Pour ce qui est des cultures immigrées, un certain degré d’assimilation par la culture dominante peut être considéré comme relativement justifié, si toutefois on ne va pas jusqu’à mentir en faisant croire aux enfants qu’ils descendent des gaulois…, et si on leur parle de leur autre culture et appartenance.
Mais pour les cultures et peuples frontaliers, l’Etat devient l’ennemi de l’humanité tout entière s’il touche à un de leurs « cheveux »; puisqu’on sait que ces cultures ne lui appartiennent pas, mais, au contraire, sont l’héritage commun du monde.
Si la France détruit la culture bretonne, rien ne pourra remplacer cette perte. J’ai été, comme beaucoup, scandalisé par la destruction des bouddhas géants par les talibans. Mais est-ce que les gens ont conscience que cette destruction est une affaire tout à fait négligeable, comparée à la destruction de la culture bretonne?
Pour le bien commun du monde, les bretons doivent conquérir un statut qui nous garantira la survie en tant qu’espèce culturelle (aussi indispensable que les espèces animales ou végétales).
16/ MUSIQUE TRADITIONNELLE
La sémantique est pour moi une chose importante. Les gens manquent de termes clairs et précis pour bien des choses.
On le remarque tous les jours avec les confusions « Angleterre / Grande-Bretagne », »Autonomie/Indépendance » et aussi autours de la notion de Musique traditionnelle et évolution. On peut toujours vouloir revenir aux sens étymologique des mots, mais qui serait capable de le faire, qui pourrait comprendre quelque chose au discours? Pour moi, il est relativement simple d’attribuer au mot « musique traditionnelle » le sens de musique populaire de transmission orale, principalement rurale, dans des formes qui se sont perpétuées naturellement jusqu’au milieu du 20ème siècle.
Pour les formes musicales évolutives directement imprégnées par cet héritage, on utilisait en français le mot « folk » qui n’était pas si mal, « folk-rock » pour cette fusion. Il faudra peut-être trouver de nouveaux mots. En tous cas, pour ma part, je fais de la « musique actuelle » à racines principales celtiques.
17/ LE TERME « CELTIQUE »
Beaucoup de gens sérieux mettent en question l’utilisation de ce mot, rappelant que les peuples se disant celtes ont peu de liens génétiques avec les Celtes d’Europe centrale.
Mais personne n’a jamais pu contester sérieusement la réalité de la communauté des peuples du Nord-Est atlantique, sur les plans culturels, modes de vie, et même génétique -d’après les dernières recherches-. Or personne n’a d’autre mot à sa disposition que « Celtique » pour nommer cette communauté (ou quelqu’un en connait un autre?… ).
Il est bizarre qu’ils se posent la question d’un relatif détournement du mot, dans ce cas précis, mais ne trouvent aucun problème d’utiliser tous les jours le terme « britannique »qui, à l’origine, ramène aux peuples de culture brittonne (bretons, gallois) et donc sûrement pas anglais, et le terme « français » qui rattache imparablement à une origine et une culture strictement germanique !
La même bizarrerie se trouve chez des personnes, sûrement bien intentionnées, qui vont dire « nous les latins, nous, nation latine… », sans aucun problème, et il y a même des bretons parmi ces personnes…
18/ IDENTITE (réflexion complétant le 15/)
Quand un breton pense en Breton, il conçoit, nous concevons l’identité de deux manières claires (contrairement aux francophones d’origine).
La citoyenneté: je suis citoyen de la République française, j’habite dans un territoire administré par elle.
La nationalité: je suis de nationalité bretonne.
Le parallèle est facile à faire avec la Grande-Bretagne: un Gallois est de nationalité galloise et de citoyenneté britannique, un Anglais est de nationalité anglaise et de citoyenneté britannique.
On nous répondra que ce n’est pas la conception française; c’est la conception bretonne.
D’ailleurs, il faut ajouter que la conception française est une conception brouillée, puisque tout francophone, dans ses conversations, est amené à une certaine confusion, passant allégrement de la France des fromages (d’où évidemment la Bretagne est absente) à celle de la République.
Pour clarifier, une seule façon: l’utilisation de mots différents.
On pourrait dire « France » pour l’administration, la république, les élections, les impôts, certains acquis sociaux, démocratiques, laïcité, etc.
On pourrait dire « Francie » pour le territoire qui recouvre les départements culturellement français d’origine, donc une cinquantaine de départements d’où sont absentes les sept nationalités bretonne, flamande, alsacienne-lorraine, corse, occitane, catalane, basque (+ éventuellement la savoyarde), auquels on peut ajouter les nationalités d’outre-mer.
La différence peut être faite également par « Franciens » et « Français ».
Mais l’usage n’étant pas près de s’imposer, la rigueur (l’influence des cours de Philo…) m’oblige à éviter le nom ambigu de « France », lui préferant le nom, un peu moins discutable, d' »Hexagone », quand j’y inclue la Bretagne.
Pour revenir à la pensée bretonne en matière d’identité, « Bro-C’hall » signifie la Francie (la France sans la Bretagne, sans ses minorités), même si bien des bretonnants aujourd’hui font la confusion. En principe , on peut dire « Bro-Frañs » ou « ar Frañs » pour le territoire de la république, mais pour les raisons énoncées avant, j’ai opté pour « ar C’hwec’h-kogn ».
L’habitant de la Bretagne, le citoyen breton s’appelle « breizhad »; le breton de culture, de famille, s’appelle « breton » (prononcer « Brééton-N); le breton bretonnant, conscient et militant peut s’appeler « brezhon ».
L’habitant de Paris s’appelle « pariziad »; le parisien de longue date et de culture s’appelle « parizian ».
Un vocabulaire clair pour une pensée claire.
La langue française est, dans le domaine de l’identité, une langue pauvre: un terrain qui est, pour les français, un sujet d’inquiétude plus instinctif que rationnel.
_________________