AUTOBIO: DE 1970 A 1975
Ici je mettrai different éléments pour mieux appréhender ce que j’ai vecu dans ces années-là.
Je vais commencer cette autobio par la période qui tourne autours de l’année 1972, année qui a été effectivement si importante dans la réussite de mon projet. Mon projet était de faire partager, au plus grand nombre, ma passion pour la Bretagne et la musique celtique, à travers une actualisation de cette musique et un travail de diffusion.
Ceci, même si cette forme de militantisme peut parfois occulter (et parfois à moi-même) l’autre aspect plus perso. de mes créations. Il existe aussi, heureusement, pour l’homme libre que je veux rester.
EN 1970, MON MANIFESTE POUR UNE « WORLD-MUSIC »
(RAPPEL)
Tout le monde n’a pas forcément eu accès à ma préface pour mon premier album chanté « REFLETS » qui, avec les mots de l’époque, est un manifeste, à la fois pour une musique celtique moderne, et pour ce qui s’est appelé (à partir du milieu des années 80) « WORLD-MUSIC » ou « MUSIQUES DU MONDE ».
Quelqu’un d’autre peut-être avait écrit dans le même sens quelque part (?).
C’était pour moi l’aboutissement d’une réflexion qui m’accompagnait depuis l’adolescence.
Le voici.
STIVELL. Ce nom que j’ai choisi pour mon expérience-chanson résume assez bien ce que je veux faire. Comme lui, ma musique pourrait passer pour anglo-saxonne. C’est pourtant un nom BRETON qui signifie « SOURCE »; je puise en effet aux SOURCES CELTIQUES mes vraies racines, mais ma musique se voudrait SOURCE NOUVELLE.
Loin de moi l’idée d’autarcie culturelle (ce serait justement la situation d’un monde uniformisé-américanisé par exemple); je suis pour les ECHANGES, donc pour une DIVERSITE DES CULTURES (j’accepte comme un enrichissement l’influence de la musique américaine, mais je refuse d’être américain). Des gammes ou des rythmes inconnus n’apportent-ils pas plus que le Blues made in France ou le Rock made in Italy?
Attention, je NE veux faire ni plus ni moins du FOLKLORE que Mozart, Elvis Presley ou Ravi Shankar. Dans tous les cas, il s’agit d’artistes exprimant, entre autres choses, leur NATIONALITE, leur CLASSE SOCIALE, leur EPOQUE. Les CULTURES sont potentiellement EGALES, elle ne peuvent qu’artificiellement être rabassées au rang de folklore-musée, rejetées dans le passé. Une culture nationale, une musique, un rythme ne sont pas de NATURE plus MODERNE que d’autres; c’est avant tout une question d’esprit et de techniques. Quelle production si, au lieu d’imiter leurs cousins d’Amérique ou leurs grands-parents, les jeunes du monde se décidaient à s’exprimer!
Cette idée de musique « ETHNO-MODERNE » est dans l’air. La Pop bréslienne me parait très originale. La « Jig o Jig » des East of Eden et le « Celtic Rock » de Donovan sont parmi les premiers exemples d’une « CELTIC POP MUSIC » véritable.
Si la CULTURE CELTE est ETOUFFEE et pratiquement INCONNUE, elle est un des SOUBASSEMENTS de la CIVILISATION OCCIDENTALE; racines qui semblent remonter à la surface à chaque REVOLTE CONTRE L’ORDRE, L’EQUILIBRE, le RATIONNEL, le MATERIALISME germano-LATIN: le ROMANTISME, le SURREALISME, et maintenant le « MOUVEMENT POP ».
Cela parait exagéré et c’est pourtant exact musicologiquement: la MUSIQUE DITE de VARIETES a depuis 15 ans de plus en plus fait appel, sans le savoir, à des THEMES CELTIQUES par l’intermédiaire du folklore blanc américain dont la principale racine est irlandaise. De nombreux tubes « anglo-saxons » se rapprochent étonnamment des mélodies celtes. Parallèlement, une partie des bijoux, vêtements décorés, bandes dessinées pop répondent exactement aux « définitions » de l’art celtique (voir monnaies et bijoux gaulois).
C’est avec la VAGUE DU FOLK-SONG que cette INFLUENCE CELTIQUE a atteint son apogée. C’est ce courant, synthèse d’une continuité ethno-culturelle volontaire et d’une ADAPTATION au MONDE MODERNE qui m’a poussé à lancer un FOLK-SONG BRETON.
Alan STIVELL ( 1970 « REFLETS » )
Je chantais depuis janvier 1966, j’étais en contrat chez Phillips-Fontana (Universal) depuis 1967.
Beaucoup de choses s’étaient déja passées depuis les débuts, j’avais déja acquis de l’expérience. J’avais même déja chanté en Italie et à Londres.
Avec mes premiers récitals en France et Bretagne, déja quelques milliers de personnes avaient pu se faire une idée de mon travail, même si celui-ci ne correspondait qu’à une partie de mes envies.
Certains, dans le public, avaient suffisamment apprécié, pour se décider eux-mêmes à suivre une voie similaire. Ce fut le cas de musiciens comme les frères Pol et Herve Queffeleant (An Triskell).
Il faut rappeler, qu’à l’époque, il n’y avait que deux artistes chanteurs bretons, Glenmor et moi.
Formation solo, économiquement obligée, sauf de rares occasions plus étoffées.
1969 a été l’année charnière.
Si, après coup, on peut trouver que tout s’est passé vite, pour moi, « l’homme pressé », ça trainait un peu. Je ressentais que pour mettre vraiment toute l’énergie nécessaire, il fallait dépasser certains obstacles. L’un d’eux: mon sursis militaire. Considéré finalement comme psychologiquement inapte au service, c’était en effet un obstacle de moins.
Comme « homme pressé », ma collaboration avec Philips, jusqu’alors, était infructueuse: deux petits singles faits à la va-vite. Je pensais d’ailleurs être libre de tout contrat, car celui-ci ne me semblait pas avoir été respecté de leur côté. C’est pourquoi j’ai dit naïvement OK à une proposition de Disc’AZ. Cette maison a même annoncé au Midem à Cannes en janvier 70 mon arrivée chez eux. Vous imaginez l’étonnement de la direction de Philips. Ils m’ont donné rendez-vous. Je m’y suis rendu en pensant simplement leur redire que je me croyais libre de tout engagement. Ils m’ont informé que ce n’était pas le cas. Mais à mon grand étonnement, je fus reçu très humainement et positivement. Jacques Caillard et Gérard Davoust m’ont demandé ce que je souhaîtais. Et ma réponse fut simple: faire des albums sans aucune direction autre que la mienne, chanter, jouer ce qui me « chantais », en Breton principalement, sur mes arrangements, être mon propre directeur artistique sans le titre, ceci laissé à une personne qui aurait, simplement, à organiser les rendez-vous, réserver les studios.
(A SUIVRE)