Echec d'une société
Bon alors je crée un post EN.
Bien pour la courte analyse « échec d’une société » que je me permets de reprendre en titre.
Désolé d’insister mais ça me tient trop à coeur :
Nous sommes des dinosaures, les enseignants post-68 qui avons cru de toutes nos forces qu’en rentrant dans l’enseignement, nous pourrions aider à un monde nouveau. Nous y avons mis toutes nos tripes, pour tenter d’amener nos élèves à autre chose que la vie de moutons qu’on leur désignait. On voulait leur apprendre à penser par eux-mêmes, à avoir leur libre arbitre. Pour ma part, je ne peux ignorer l’influence qu’a eue le mouvement folk et donc Alan en particulier vers cette essai de nouvelle société, ouverte au monde, respectant l’Humain.
Nous avons résisté aux réformes diverses et variées mais l’âge venant, nous avons tous plus ou moins délaissé nos convictions pour finir nos carrières en « stand-by ». Et puis cette ambiguité d’être au service de l’Etat Français, de toujours devoir biaiser pour rester soi-même et à accompagner les enfants vers la découverte d’un monde ouvert. Fini de jouer les Don Quichotte, retour à une dure réalité, échec personnel et collectif, mal-être, Miz Tu…
J’aimerais bien que qu’un sociologue au autre « …logue », se penche un jour sérieusement sur cette vague pédagogique des années 70 qui fut tout à fait l’inverse des « Hussards de la République » du XIXème siècle. Vague que le monde politique s’est évertué à dissoudre, ben voyons, Miterrand en tête avec sa reculade de 81 pour réunir public et privé et récréer une vraie Education Nationale pour tous.
Amertume, sensation d’avoir échoué dans l’avènement d’un monde nouveau pour l’Homme. Mais aussi, tout n’étant pas négatif, la satisfaction d’avoir pu essayer, de ne pas être resté un numéro (Numen, on dit dans le jargon) et d’avoir toujours voulu ouvrir les enfants vers le monde. Ma dernière expérience concernant le bilinguisme a été une des plus fortes mais elle a eu raison de mes dernières forces aussi.
Qu’en pensez-vous ?
Yann-Bêr
Bon, moi je râle directement sur mon blog depuis 7 ans alors je ne vais pas tout redire ici…:-)
Je n’ai jamais cru aux lendemains qui chantent, l’humain étant ce qu’il est, et surtout en groupe, particulièrement crétin, donc ma déception est à l’aune de mon pessimisme: un simple constat.
Je suis un Numen, un élément d’une masse de gens corvéables et à qui on demande de plus en plus d’autocontrôle et de rester dans des rails, qu’on lui reproche ensuite de suivre si je le fais, ou de ne pas le faire si justement je ne le fais pas.
Je suis le bouc émissaire facile de mes concitoyens (surtout citoyens).
Je suis une fâââm donc ‘éduquer’ devrait être ‘naturel’ et pourquoi rémunérer ça?C’est pas un métier tout le monde sait le faire voyons (lol)
Je rappelle que nous devrions instruire et non éduquer.’finbon
Ah tiens au sujet de ceci
http://www.hesed.info/article-engagez-les-119748835.html
le canard va publier mon encart-droit de réponse, d’après leur mail.
Edit: ben c’est juste une ligne qui précise l’erreur de chiffre du salaire de début de carrière qui est bien celui de 10 ans d’ancienneté.
Donc ce qui me démonte- façon de parler- c’est l’opinion générale- comme celle de nos hiérarchies qui, soyons claire, nous détestent- qui croit dur comme fer que les enseignant·e·s sont des rienfouteur·e·s et que tout est de leur faute de toute façon.
Contre les courants sociaux, les poids familiaux, l’école ne peut aps lutter.
Elle l’a peut-être pu, par périodes, autrefois.Ce n’est plus le cas.
En tout cas, cette désaffection pour l’école ne l’aide justement pas, c’est bien l’inverse.
Autant le dire: je déteste ce métier il me détruit, m’aura pourri la vie et celle de mon gamin quand il était petit parce que je m’occupais plus de ma classe que de lui et le remords de cela m’en poursuivra jusqu’à ma fin, il me décompose la santé parce que c’est physique ce job, et nerveux… il me bouffe la créativité que je pouvais avoir… j’ai tenté pendant 15 ans de changer de boulot, j’ai repris des études, y’a pas moyen il faut ne pas avoir de gamin à charge et avoir en poche des sous et un réseau de connaissance pour ce faire, je n’ai ni l’un ni l’autre.
Je n’essaie plus, je n’ai plus d’énergie pour mener tout de front, je subis, je suis une bonne instit que les mômes adorent et les parents -aussi sauf els mauvais coucheurs-, cela me demande une énergie interne colossale, mais il le faut car les gamins n’ont pas à souffrir de ma souffrance.
J’essaie de leur faire voir le monde sans œillères, à ma petite mesure, et de leur apprendre l’humour, car le rire est subversif.
Le reste… <soupir>
Je pleure tous les soirs et j’attends la retraite pour vivre un petit peu pour moi avant la petite boîte.
Alors les grandes envolées lyriques sur l’instruction…. sans moi.
Mais je salue l’ouverture de ce fil, et peut-être y viendrai-je râler un peu, mais je n’ai pas de poésir à y apporter 🙂
Je précise aussi que parmi mes collègues, 90% changeraient volontiers de métier dès demain si elles en trouvaient un à leur mesure.
Le mal être est profond et les grands blablas du Payons, pardon Peillon, lui comme un autre, ils se valent tous, pour nous convaincre que oui tout change, par la grâce de sa main qui a signé des papiers, nous font bien rire. Jaune s’entend.
Pas simple de répondre tout en sachant que j’espérais cependant ce genre de réplique.
Tu (je me permets) as été beaucoup plus percutante que moi sur le malaise du monde enseignant.
De mon côté, j’ai aussi essayé de reprendre les études avec la fac de Rennes mais ils m’ont refusé à l’époque la qualification en DEUG. Il a fallu reprendre depuis le début et comme c’était par correspondance, je n’ai reçu les cours que 6 mois après la rentrée. Donc devoirs en retard, etc. Et puis cassage de gueule avec la prof d’histoire sur un sujet concernant les relations Bretagne-Pays de Galles. Elle est tombée sur un os, moi, sur une jacobine, ça a fait des étincelles, bref, j’ai laissé tomber. et j’ai continué ma petite carrière d’instit (je ne suis pas prof des écoles, je tiens à mon titre de simple instit).
Je ne pleure plus. Depuis le décès de mon père en 98, qui a été l’élément déclencheur, je vis dans la dépression et essaye de me reconstruire une vie « normale ».
Pas simple car tout est revenu en trombe : je suis devenu instit en passant le concours de l’EN à l’époque (dernière promo au niveau de la 3ème) ; fierté de mon père bien entendu.
Ensuite mon parcours, toujours rebelle mais quand même dans les rails pour ne pas être flingué, dur.
J’attends qu’ils me mettent en invalidité ou en retraite, je ne suis toujours pas sorti du Mammouth, à mon grand désespoir.
Côté poésie, en dehors de nos espérances passées, rien à ajouter. On nous a tout simplement flingués. Et je n’ai plus envie d’y revenir, que les choses soient claires.
Viens râler quand tu en as envies, j’espère que d’autres le feront, sinon on pourrait continuer en MP. Il y a tant a dire, tant, tant , tant (Miz Tu encore).
Yann-Bêr
Je suis entrée au bac dans l’EN, me fallait un métier, vite, alors que je voulais étudier.
Et comme toi j’ai dû reprendre mes études au début, mais n’ai pas pu finaliser mon master2 – bah oui bosser en même temps (va obtenir le congé de formation tiens, essaie…)
Mais de toute façon une fois le diplôme en poche, comment trouver le job?
Alors je me bagarre pour avoir envie de me lever le matin, mais,je ne sais pas combien de temps je vais encore tenir comme ça…
Je compatis à ton mal être, crois le bien.
A un niveau moins personnel: la MaisonMammouth est effectivement une machine d’une violence impressionnante, pour les élèves et pour son personnel.
Ce qui est épatant c’est aussi la raison de la détestation générale (je parle d’une tendance lourde) de la part de l’élite, à la réussite, création et perpétuation de laquelle l’EdNat est dédiée (ce n’est pas un scoop, tout le monde le sait, en france l’école a été créée pour ça et continue à le faire).
Comment ces gens qui sont passés par nos mains et en sont sortis gagnants peuvent-illes nous mépriser à ce point?
Intéressant …
Que celleux qui ne réussissent pas nous détestent est plus logique, quoique mal dirigé: chacun·e dans sa classe fait son possible et se démultiplie, les gens ne savent pas à quel point.
Bref, quand les media parlent du ‘malaise enseignant’, ça me fait bien rigoler aussi.
Tu me contacte quand tu veux.
Mes meilleures pensées.
Bon désolé, moi j’ai bien vécu ma carrière, mais je suis en colère (enfin j’étais en colère, depuis deux ans que je ne « fais plus rien », je ne m’engage plus dans ce genre de discussions), car toute notre carrière on a vu des ministres qui s’y connaissaient autant en éducation qu’en jardinage (malheureusement, c’est la même chose dans tous les domaines, je ne voudrais pas être paysan non plus !), des ministres disais-je, qui ont balancé des réformes toutes plus idiotes et incongrues que les autres. Je suis en colère aussi après les syndicats qui bloquent systématiquement toute réforme. Ce n’est pas grâce à eux qu’on a progressé non plus. Très tôt, je me suis dit : les ministres passent, moi je reste, et j’ai réussi à m’asseoir sur pas mal de trucs aberrants.
J’ai aimé mon métier (faut dire que j’ai tjrs été dans un milieu semi-rural sans gros pbs), mais maintenant, je peux vous dire qu’il ne me manque pas du tout…
Dernière idiotie en date : pourquoi s’ingénier à creuser encore le fossé en instaurant ces moments d’activités, qui ne seront que des moments de garderie dans les communes dépourvues. Darcos avait enlevé le samedi matin, il suffisait de le remettre, on aurait récupéré les heures d’enseignement perdues, et basta. Ah mais c’est vrai, on n’enseigne plus, on forme des citoyens et on apporte des compétences qu’on évalue ensuite. Quelle foutaise…
juste pour mettre un peu de baume au coeur !
c’est une amie jeune instit (2 éme rentrée) qui a écrit cela sur facebook:
Bosser en Moselle-est (2ème jour) ou comment avoir le soleil en pleine tronche sur tout le trajet du matin (bah oui quelle idée dse lever dse côté!), comment faire comprendre aux enfants la différence entre « on » et « an » quand ils prononcent « cantant » ou « campagnans » (etc etc…), sinon école classissime, gamins supers, maitresse cantante mwahaha !
Francine
J’ai oublié de préciser pour elihah, dans le télérama de cette semaine (stromae en couv), il y a le rectificatif concernant le salaire des enseignants (page 6-7)
Francine
Vu, j’avais fait un édit dans mon 1er post de ce fil.
Je ne peux pas dire que je n’ai pas aimé mon métier, surtout qu’il a été émaillé de nombreuses expériences : la ruralité, la ville, une direction de Centre de classes de découvertes PEP, un poste de soutien, le bilinguisme, la ZIL … Pas de quoi s’ennuyer !
Entièrement d’accord avec toi Stephan au sujet des ministres jardiniers ( et encore, je ne leur confierais pas mon jardin) et des Syndicats qui ont certainement conservé un caractère plus mammouth que la plupart des enseignants (on voit d’ailleurs où en est leur nombre d’adhérents de nos jours).
Et on n’enseigne plus, les dernières années, on passait notre temps à évaluer, jusqu’au niveau des moyennes sections de 3-4 ans, et à nous auto-évaluer puisque les résultats des enfants indiquaient bien sûr si nous faisions bien ou mal notre boulot.
On n’enseigne plus ; on éduque car tout le poids d’une société en échec retombe sur l’école. Et les parents, accaparés par leurs problèmes sociétaux, sont bien souvent complètement paumés envers ce qui leur revient de droit : l’éducation de leurs enfants. L’école a du se substituer à ce manque ; une charge pour laquelle nous n’avons jamais été formés et quoi, nous ne sommes pas des parents de substitution.
C’est pourquoi j’ai toujours milité pour une école des parents ; et pas seulement pour qu’ils interviennent dans la vie de l’établissement, ce qui eu des effets pervers tellement une fois de plus ça a été mal préparé ; mais surtout pour leur faire comprendre les rôles complémentaires que nous avions à jouer ensemble.
C’est du passé quelque part mais ça me ronge toujours de penser qu’on n’a pas su se battre au bon moment pour empêcher cette dérive générale (elle n’est malheureusement pas propre à l’EN). J’avais toujours dit que je ne finirais pas ma carrière dans la maison, je n’imaginais que ce serait de la manière actuelle.
Yann-Bêr
Gens, je ne viens pas re-râler sur le métier, où on se met 100 fois pour y recevoir l’enclume, mais pour vous signaler l’émission ci-dessous intéressante à plus d’un titre en termes de déshumanisation du boulot (l’école en est atteinte,ça devait arriver, autocontrôle et éval des mômes) et doublée d’un itw on line de mon C.Dejours préféré dont je recommande instamment les ouvrages sur la psychodynamique du travail.
http://www.franceculture.fr/emission-le-magazine-de-la-redaction-drh-direct…
Au sujet des évalz: je suis inspectée cette année donc je vais me tenir aux 3 évalz (décembre, février juin) juste pour jouer le jeu (haha), quand j’ai annoncé ça hier soir en réunion d’info de parents d’élèves, ils sont restés cois… n’y croyant pas eux-mêmes que c’était possible un truc aussi stupide (rappel double classe PS MS, donc ces 3 évalz concernent les MS, càd élèves de 4 puis 5 ans)…je les ai rassurés en leur expliquant ce qui allait réellement se passer (que je vais tricher, quoi)…
en tant que parent d’élève qui a toujours été impliqué dans la vie de l’école, parce que j’ai toujours pensé qu’il devait y avoir
une collaboration étroite et une complémentarité entre parents et équipe enseignante, je trouve les enseignants admirables; j’ai trouvé chez la plupart d’entre eux une énergie formidable et une passion pour leur travail et souvent hélas du découragement comme comme vous le dites si fort.
un de vous a parlé de la difficulté quelquefois d’être agent de l’état et de faire cependant ce que l’on croit bon: cela me rappelle une discussion avec un ancien berger dans laquelle je me suis reconnue (je suis agent de la fonction publique): il parlait des chiens border collie et expliquait que ce sont de formidables travailleurs, acharnés, plein de fougue mais lorsqu’ils reçoivent un ordre, ils ne l’exécutent pas immédiatement, ils prennent le temps d’analyser si cet ordre est pertinent et s’ils jugent que non, ils n’obéissent pas.
est-ce que comme moi certains d’entre vous se reconnaissent dans le border collie?
Je ne crois pas qu’on puisse faire une telle analogie, mais ceci n’engage que moi 🙂
c’était pour plaisanter Elilah
ha pardon.. il n’y avait pas de smiley alors j’ai pris ça sérieusement…sorry
c’est moi qui suis désolée Elilah, je ne suis pas habituée à utiliser les smileys
et ne crois pas que je prenne à la légère tout ce que tu as exposé mais je voulais juste essayer de te redonner le sourire,
c’est râté