MUSICOLOGIE
Des intervenants ont appelé à des explications plus techniques sur mes musiques. Je crois qu’Avel a évoqué un article de Michel Toutouz que je n’ai pas lu. J’essaierai de le trouver car je suis interessé d’avoir des avis de gens pointus ou assez pointus en la matière. Là aussi j’aurai certainement des explications à donner, car beaucoup de choses ne sont pas évidentes , même pour des musicologues, vu que j’ai voulu, dès l’adolescence, mettre l’originalité comme une des valeurs les plus importantes.
Je peux tout de suite répondre à une 1ère question, les harmos vocales dans Brittany’s. Cette question est très simple:
1er couplet la voix de Dom Duff est en rapport de quarte, de même pour 1er refrain et 3ème couplet,
le 2ème couplet c’est une quinte de même que le 2ème refrain.
L’harmonie la plus « téléphonée » est la quinte, mais je n’ai rien contre les solutions simples quand ce sont les plus opportunes. Une simplicité donne de la place pour des choses pas simples du tout par ailleurs .
Exemple: mon chant principalement en gamme pythagoricienne, sauf l’ajout d’un ré baissé d’un quasi quart de ton « vannetais « .
Ce n’est surement pas , en tous cas , la quinte banale qui choque l’oreille de quelqu’un d’entre vous. Normalement ça devrait être mes intervalles inhabituels pour la plupart des occidentaux.
Mais je crois comprendre qu’il s’agit plutôt des quartes. Elles sont moins téléphonées que les quintes, mais il ne s’agit même pas d’une dissonance comme celles utilisées depuis plus d’un siècle en musique classique et en jazz, mais au contraire d’une harmonie assez courante au Moyen-Age.
J’ai beaucoup utilisé quintes et quartes depuis toujours, car ajoutées au bourdon, elles se marient justement très bien à mes gammes où la plupart des notes sont modifiées par rapport à la musique occidentale non-celtique, non-flamenco, non-balkanaise.
dans Brittany’s, Dom Duff suit la mélodie avec un écart de quarte descendant et à d’autres moment avec un écart de quinte ascendante, c’est ça ?
c’est vrai que la quarte comme elle ne reste pas en bourdon mais qu’elle suit la mélodie est plus surprenante (moins consonante) pour nos oreilles
A Gourin vous exposez de nouveau quelques éléments de vos choix de gammes
La gamme pythagoricienne modifie les écarts de ton en reprenant le cycle des quintes.
Votre harpe est-elle accordée ainsi ? Demandez vous à vos musiciens de s’accorder avec ces fréquences ?
Cher Colin,
dans l’ensemble de Brittany’s, j’ai écrit pour Dom Duff des deuxièmes voix; certaines en rapport de quinte, mais à l’octave en dessous, d’autres en rapport de quarte, mais encore à l’octave en-dessous.
La mélodie suivant la quarte est assez courante en musique médiévale.
Par contre, je ne vois pas ce que vous voulez dire par une quarte restant en bourdon. Un bourdon se trouverait par définition à de multiples écarts suivant la mélodie.
Heureusement personne ne m’oblige à modifier les gammes d’une façon ou d’une autre. Ce qui me laisse beaucoup de liberté.
Je tends basiquement à suivre effectivement une gamme pythagoricienne. L’ensemble des chanteurs anglo-saxons se basent aussi sur celle-ci. On accorde effectivement la harpe de quinte en quinte. Elle est donc entièrement accordée par rapport à elle-même contrairement à un piano.
Comme il ne s’agit que de modifications au 9ème de ton ou coma, un soliste peut très bien le faire sans que l’accompagnateur le suive. On aura simplement une sinusoïde pas désagréable comme pourrait l’être un écart plus grand.
Toutefois je me permets des écarts plus grands, allant au quart de ton (rejoignant par exemple des gammes dites vannetaises). Ce n’est toujours pas très gênant si les musiciens ne suivent pas, car ça se trouve sur des notes « blues », où justement les battements sont appréciés. N’oublions pas que les notes blues au piano sont faites dans des écarts de demi-ton.
Idéalement, j’ai toujours demandé à mes musiciens d’essayer de me suivre davantage dans ce sens, mais les difficultés inhérentes à la scène, aux retours, rendent ça impossible jusqu’ici. Loumi y arrive un peu. Il est vrai que je leur demande beaucoup de choses inhabituelles.
Pour ma harpe, de plus, je joue beaucoup comme un guitariste en « bendant » certaines notes, sur les écarts que je bende ou prends plus haut ou vibre à la voix. Je profite parfois d’une note un peu basse ou un peu haute pour m’en servir, dans mes impros, par exemple dans le même état d’esprit.
comme les bourdons des cornemuses sont en si bémol et c’est la tonalité des airs qui sont joués, une seconde voix peut tenir la quarte ou la quinte de la dominante pendant une partie de la mélodie mais sans suivre la mélodie comme le fait Dom Duff.
si je ne me trompe pas : un comma c’est autour de 5 à 6 hertz et cela s’entend notamment sur un cd. y a t-il clavier et harpe ensemble dans un de vos titres récents ?
je suis au courant pour les bourdons en sib…
mais la discussion est partie de la deuxième voix pour Dom. Peut-être devriez vous reformuler plus clairement cette question?
Vous entendez donc nettement mes gammes chantées.
Vous me demandez si je joue de la harpe et claviers sur des titres récents? Question bizarre.
je ne doutais certainement pas de vos connaissances en cornemuse, je dois mal m’exprimer effectivement, je suis au contraire curieux et interessé par vos choix musicaux
Effectivement je reste fixé sur le deuxième voix de Dom Duff dans Brittany’s car il suit exactement la mélodie (donc à la quarte ou quinte de l’octave inférieur je l’ai bien compris) et ne prend pas une voix de bourdon.
pour la dernière question : comme votre harpe est accordée en gamme pythagoricienne, je posais la question de son harmonie avec éventuellement un clavier (vous avez répondu pour la guitare) qui, lui, est tempéré.
si je ne suis pas clair je renonce
non, ça me parait clair.
Depuis toujours j’ai travaillé à faire aller ensemble des éléments qui n’étaient pas fait pour au départ.
Le plus souvent je demande au claviers des sons avec des effets tournant autours de la note (flange, chorus). Même quand je demande des sons de piano acoustique, j’ajoute en principe des effets. Mais dans les cas de sons droits, le léger désaccord sur certaines notes n’a rien d’embêtant. Comme je le disais plus haut, ça crée une note « bluesée », effet qu’on rencontre dans bien des musiques autres que le blues.
Si nous sommes en sib, le mib, par exemple, va blueser de différentes façons: soit je la « bende », soit je la vibre, soit je la chante un coma au-dessus, d’où une sinusoïde lente, soit je la chante un quart de ton au-dessus, et on a un battement qui ne me gêne pas, au contraire.
Quelqu’un d’autre pourrait faire le choix, au contraire, d’une cohérence totale dans les intervalles. Il faudrait trouver, par exemple, certains claviers en gammes dites orientales, mais aucun de mes musiciens n’a fait cette démarche. Un cahier des charges déja trop lourd. Peut-être dans le futur.