Chansons (suite)
L’ANKOU ET LE VIEIL HOMME AVEUGLE.
Un soir que le vent tombait sur les landes
Et poussait le soleil à se perdre derrière l’horizon
Les nuages au bord du monde
Furent surpris de voir
Un vieillard marcher dans la jeune nuit
En sifflant son courage.
De quel lieu venait-il pour être encore
Sur routes et chemins à cette heure tardive ?
Les champs qu’ils longeaient
Déjà baignés d’obscurité
Étaient depuis longtemps vidés de leurs paysans
Et seuls deux ou trois
Sur tous les kilomètres qu’il parcourut
Lui posèrent la question.
» Où allez-vous donc, vieil homme ?
Ne savez-vous pas que la nuit est déjà bien avancée ?
_Plus proche de son but que je ne le suis, certes je n’en doute pas.
Mais aura-t-elle autant d’énergie que moi
Dans son désir de me décourager ?
Je me rends là où mon coeur ne peux plus m’attendre,
Là où ma bien-aimée est morte il y a bien longtemps. »
A chaque fois on lui demanda
Et autant de fois il répondit.
Il marchait depuis longtemps dans la nuit
Que perçait la lune silencieuse
Un bâton à la main
Frappant de son bout
Les roches et les pierres qui bordaient le chemin
Quand soudain parvint à ses oreilles
Le grincement lointain d’une charette
La croisant plus tôt qu’il ne l’aurait cru
Le vieillard leva les bras au ciel
Brandissant son bâton dans la lumière nocturne
« Héla ! Peux-tu me dire si la ville est encore loin ?
Je ne vois plus bien et ne sais pas le chemin qu’il me reste. »
La charette s’était arrêtée dans le souffle chaud des chevaux
Et seul le silence répondit à sa demande.
Derrière, une odeur insupportable ne tarda pas à lui parvenir.
« Et bien mon ami ! Quelle bête morte portes-tu à l’arrière ?
_Tu sembles bien curieux, vieil homme.
Ne vois-tu donc pas ? Ou te moquerais-tu de moi ?
_Pardonne-moi, mais hélas je suis aveugle
Et depuis si longtemps que je n’aurais,
Sans doute, pu voir ta naissance
_D’où viens-tu avec un tel fardeau à supporter ?
_D’une terre lointaine qui, je pensais,
Pouvait effacer de ma peau la marque de mes malheurs.
Mais j’en reviens avec autant de peine
Pour m’étendre auprès de ma bien-aimée
Et attendre avec elle.
_Ta bien-aimée est-elle morte ?
_Cela fait bien longtemps, oui.
_Alors laisse-moi te conduire là où tu désires te rendre
Cela me fera plaisir de contribuer à la paix
D’un homme tel que toi
Et qui le mérite plus qu’aucun autre.
_Est-ce là ce que tu penses, mon ami ?
Je n’en pensais pas moins du temps de ma jeunesse
Peut-être comprendras-tu
En voyant les autres malheurs du monde
Qu’il n’en est rien.
_Montez donc et ne perdons pas de temps.
La ville est à quelques bois d’ici. »
Le vieillard monta, luttant contre l’odeur
Lui chatouillant la nuque
Et manqua s’endormir dans le chant
Grinçant de la charette
Quand soudain un flot de voix lointaines
Atteignit ses vieux tympans.
« Messieurs, messieurs ! Voudriez-vous nous aider
A sécher notre linge ? »
Un mot de l’homme conduisant la charette
Et les femmes se turent aussitôt.
Plus tard le vieillard sursauta
Car sur son épaule la main de l’homme
Venait de secouer son corps
« Nous voici arrivé, vieil homme.
_Ces femmes…
_Ce n’était rien qu’un rêve. N’y pensez plus.
_Mais n’était-ce pas les Lavandières de la nuit ?
Qui d’autre pourrait nous inviter
Au beau milieu de la nuit
A sécher du linge ?
_N’y pensez plus ! Vous voici à l’entrée de la ville.
_Ce n’est pas ici que je souhaite aller
Mais au sommet de ce tertre là-bas
Là où ma chère est couchée
Pour toujours.
_Alors laissez-moi vous y conduire.
_D’autres affaires ne vous attendent-elles pas ailleurs ?
_Celle-ci est plus importante. »
Le vieillard, que l’homme tenait par le bras
Et faisait avancer d’une allure décidée
Ne tarda pas à respirer plus librement
Soulagé d’être enfin loin de la charette
Et de sa terrible odeur.
Puis il posa son bâton sur le sol
Et toucha du bout des doigts
Les grains durs de la pierre tombale
Ses larmes roulèrent alors
Se frayant un chemin dans sa barbe
Et il s’étendit sur l’herbe et les brindilles
Sentant l’air froid de la nuit
L’odeur de la terre et des genêts
« Mon ami, êtes-vous parti ? »
Un sifflement lui répondit
Et une lame froide vint cueillir
Sa vie faiblissante
Près de la tombe de sa bien-aimée.
NUL ETRE PLUS AIMÉ.
Nul coeur ne sera de pierre
Saignant dans la nuit noire
Si lueurs brillant dans l’air
Et aube naissant d’un miroir
Nuls vents ne seront plus ardents
Rêves tremblants de quelque nuit
Si vie en terre naissant
Mouvance d’un soupir de mille envies
Nul chant ne sera plus doré
Que les portes ensoleillées du jour
Donnant sur ta silhouette illuminée
Penchée sur le berceau de mon amour
Nulle rive n’aura plus d’atours
Que celles bordant les terres de Bretagne
Si harpes chantant notre retour
Des îles d’éternelles campagnes
Nulle source ne sera plus parfaite
Que celle luisant d’étoiles immobiles
Si paix seul fruit de notre quête
De nuits loin des villes
Nulle finesse ne sera plus belle
Si durables les fleurs et blanche l’hermine
Que l’eau des fontaines berçant ton sommeil
Au creux de la vasque divine
Nul coeur ne battra plus que celui de l’océan
Lançant son écume de lait sur les traces de tes pas
Peut-être lui aussi a-t-il souhaité
Lorsqu’il te voyait si belle, marchant
Le soir sur ses bords de nuit si froids
Que nul être ne soit plus aimé…
…que toi.
REVE DE BRETAGNE
Je ne suis pas né d’une âme
Ni d’un coeur de Bretagne,
Ses terres me sont inconnues
Mais dans mes rêves je les ai vues
Tant de fois elles ont soigné des plaies
Qui le matin sans cesse se rouvraient,
Quand mon esprit n’y était plus
Et revenait dans mon corps déçu
Les bretons dansaient
Et chantaient en mon âme
Les sonneurs jouaient
Et faisaient vibrer Bretagne
Sa musique, je l’écoutais sans cesse
Comme en réponse à une soif de sagesse,
Aujourd’hui encore je m’en nourris
Je pense qu’il en sera longtemps ainsi
Écoutez les musiques nouvelles
Avec en tête leurs paroles cruelles,
Elles effacent les désirs de toute âme
Pourtant en moi encore mon rêve de Bretagne
Les bretons dansaient
Et chantaient en mon âme
Les sonneurs jouaient
Et faisaient vibrer Bretagne
Combien n’ont pas souhaité
Quitter France et s’en aller,
Voir les terres et les îles de toujours
Chanter la nuit et le jour
Aujourd’hui, je dis : « Ne m’en voulez pas, bientôt la route je vais prendre
Ne riez pas, car Bretagne je pars défendre. «
P.S : bientôt, une troisième partie de mes textes…
Au fait je suis désolée mais il semble que l’e-mail que je t’avais envoyé ne soit jamais arrivé; j’essaye de résoudre le problème.
Au revoir.
Rémy,
J’ai fortement apprécié tes textes et continue … mais gardes-en quelques-uns pour toi, dans ton jardin secret. Sylvie