Bonjour cher Alan Stivell,
Ce sont mes études tourangelles qui m’amènent vers vous aujourd’hui (ce n’est pas sans émotions).
Le sujet que j’ai choisi pour mon mémoire est « le rôle des bardes celtes des origines à nos jours », et la problématique repose sur les liens et les différences pouvant exister entre les anciens et les nouveaux. Aujourd’hui est-on considéré comme barde par ce que l’on transmet, où le devient-on toujours?
J’ai bien sûr lu, entre autre, votre livre « Telenn la harpe bretonne », dans lequel je n’ai pas rencontré ce sujet, mais dans certains magazines on parle d »Alan Stivell, le barde celte ».
Ma question est donc: « Etes- vous barde, et si oui, est- ce du à votre talent « harpistique-artistique »,où avez-vous, en plus, vécu une formation spirituelle?
Bercée dans la magie de vos cordes, vous êtes le précurseur de mon engouement pour la harpe, et la Bretagne le cordon ombilical de mes ressources et de ma modeste… inspiration!
D’avance je vous remercie d’accorder quelques instants à ma requête, et j’espère bientôt vous retrouver dans d’autres tonalités…
Kenavo!
Bonsoir,
comme chacun je suis plusieurs; entre autres je suis un peu barde.
Je ne m’enfermerais pas dans cette identité, pas plus que dans une autre.
Mais il m’est difficile de renier ce lien avec le bardisme. Si je m’y étais consacré je l’aurais été moins.
En effet, j’ai pris le chemin que je devais prendre en mettant toutes mes forces pour perpétuer la celtitude, pour maintenir un fil ou une corde ténue entre le monde d’aujourd’hui et celui des anciens celtes.
C’était bien un des rôles du barde. Le barde chantait sa terre, louait son peuple, racontait son Histoire s’accompagnant d’une lyre ou d’une harpe. Je suis à un certain point imprégné des textes des anciens bardes que j’ai chanté, même si mon imprégnation la plus grande est par la sensibilité et non les mots. Mes vers sont influencés par les règles bardiques, même en Français. Ma spiritualité est influencée par le druidisme. Donc barde je suis, un peu. Et je suis autre chose.
Kenavo,
alan
Merci Alan pour votre jolie réponse, qui rejoint l’idée que je me faisais de ce que pouvait être le barde d’aujourd’hui. L’âme, si chère aux anciens celtes, est bien vivante et vous habite. Ca s’entend, ça se ressent…
Pour moi, Alan est un barde!
Un barde des temps modernes
A ce propos, j’ai un poème que j’avais écris en pensant à un barde justement, il a plusieurs années, j’ai décidé de l’offrir aujourd’hui à Alan…
Les Quatres Chants du Barde
Je suis les premiers vents de la Samain
Pour que son chant, clé du Sidh
Transcende les mondes crées et incrées
Je suis l’agneau d’Imbolc
Pour nourrir ses présages d’une nouvelle saison
Eveillant bois et landes d’une clarté glorifiante
Je suis la source vivifiante de Beltaine
Qui jaillit au creux de ses mains et engendre les matins
De Mae en gerbe féconde sur les clairières enchantées
Je suis les feux de Lugnasad qui embrasent sa danse
quand le roulement du bodhran rencontre son coeur
sur les promesses d’amour et de blé du bel été de Lug
Je suis harpe d’or aux cordes de christal pour endormir son âme
Apaiser ses souffrances, émouvoir sa poésie et déverser en elle
L’ivresse d’une source d’hydromel
Je suis cornemuse dans le brouillard des landes émeraudes
Pour lui offrir le grand frisson ancestral de son Clan
Qui vibre au coeur de sa mémoire immortelle
Je suis flûte enchanteresse pour éveiller sa joie et faire tournoyer
Sa ronde magique ou elfes et korrigans l’entrainent
A travers les brumes de l’autre monde
Je suis bodhran, tambour chaman, battant aux rythmes
De ses rites druides ou de blanc vêtue, elle célèbre
Naissances et trépas, unions et solstices en terre de Keltia
Je suis cheval roux au regard d’azur pour que flotte au vent
De collines en landes, de mers en océans
Ma crinière d’or entre ses bras
Je suis corbeau, messager de son destin
Lui murmurant sur son épaule, le secret du gardien
Des portes du Gwenved, son époux…
Je suis saumon lumineux de la connaissance
Ou je la rejoins au lieu ultime du loch
Sacrifiant ma vie pour nourrir son coeur
Je suis cerf à l’ombre des forêts de chênes
Pour guider ses pas vers la clairière ou s’accomplit
L’oeuvre fraternel du cercle sacré au solstice de Belen
Je suis pierre érigée de granit afin qu’elle s’abreuve
De la quintessence du ciel et de la terre
Aux matins d’or et de feu de Kermunos…
Je suis épée glorieuse du guerrier pour combattre
Cytraul, le néant inerte et destructeur de sa queste
Que je protège depuis l’éternité entre Keugant et Ebred
Je suis chaudron pour l’alchimie de son savoir
D’ou nait le breuvage d’immortalité aux subtiles
Essences de vie, d’amour et de lumière
Je suis le Triskell, émergé de sa conscience
Ou j’ai parcouru tous les ages, connu toutes les fins
D’or en cuivre, de pierre en christal, gravé à jamais
dans la mémoire des peuples de la celtie…
Inisgwenva
Mil trugarez !
alan