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Retour du colloque sur l'interceltisme


 alan

(@alan)
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j’avais annoncé ce colloque autour du celtisme et l’interceltisme. J’ai ensuite fait l’école buissonnière pour rentrer.
J’y reviendrai, notamment en publiant ,ici et sur Agence Bretagne Presse, mon intervention (en attendant peut-être une publication écrite de l’ensemble des interventions), même si elle reprend beaucoup des éléments déjà présentés ici.

Un des éléments les plus intéressants, car nouveau, est celui de Yves Menez, montrant que l’archéologie actuelle abandonne l’idée d’une prééminence marquée de l’Europe centrale pour le lancement des premières modes celtiques (qu’il met entre guillemets), celles de Hallstatt et de La Tène. Car il y a eu quasi simultanéité pour ces modes, aussi bien en Armorique que là-bas.
Celle de Yann Rivallain sur les jumelages a montré une plus grande prise de conscience culturelle que je n’imaginais, avec toutefois une inquiétude sur les jumelages pour les nouvelles générations.

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Posté : 16/10/2010 11:08 am


 alan

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COLLOQUE INTERCELTIQUE

DEPUIS L’ENFANCE, UNE VIE INTERCELTIQUE

Dès le départ, j’ai vu l’urgence de contribuer à sensibiliser les gens
à la Bretagne et à la Celtie, à travers chant et musique et par une communication à plein temps.
Ma présentation, comme artiste, auteur-compositeur-interprète, suggère que j’évoque cette expérience interceltique professionnelle.
Je vais d’abord rappeler le cas particulier d’une enfance baignée d’interceltisme, puis cet aspect dominant dans ma « carrière » artistique.
Mais je vais aussi présenter quelques points importants que j’ai étudiés et observés depuis si longtemps : ça me parait au moins aussi intéressant que de raconter ma vie…

Mais avant ça, mon avis sur le terme « celtique ».
C’est une préoccupation pour certains. On l’a trouvé pratique pour parler de pays utilisant une langue celtique. Que d’autres choix auraient pu être plus heureux ? Personne n’en a jamais proposé. « Néo-celtique » ? Un peu lourd.
Je rappelle au passage qu’on peut faire le parallèle avec d’autres noms équivalents et à double sens, ancien et moderne. Etymologiquement, les russes sont des scandinaves, les britanniques des bretons et gallois, et le français rattaché au germanique.
Mais l’important n’est évidemment pas le mot, mais le contenu. Ce qui nous intéresse aujourd’hui, ce sont les peuples contemporains appelés communément celtes.
Est-ce qu’il y a, oui ou non, des points communs et particuliers, d’abord entre les peuples possédant une langue celtique, entre bretons, corniques, gallois, manxois, écossais, irlandais ? Puis entre des peuples qui en sont dépourvus ?

A . MA VIE INTERCELTIQUE

1/ UNE ECOLE PARALLELE INTERCELTIQUE

L’interceltisme est parmi les choses qui ont le plus marqué mon enfance et mon adolescence.
Cela a été un coup de foudre, puis une école parallèle.
Vous savez peut-être, que dès l’âge de 10 ans, je jouais en public, à la harpe celtique, des thèmes autant irlandais, écossais, gallois que bretons, arrangés par mon professeur de harpe et par mon père. Dès lors, la celtitude fut, pour moi, une certitude que je vis comme telle et que je n’aurai de cesse d’en démontrer la réalité.
Au Fêtes des cornemuses à Brest, en 1955, la délégation écossaise a été très réceptive à notre démarche. Puis, notre rencontre avec un autre écossais, comme avec la famille O’Tuama, nous ont fait toucher de plus près la véritable musique gaélique.
Réciproquement, ces rencontres ont participé au développement des échanges, et à celui de la harpe celtique dans ces pays.

Si jeune, je puisais, dans la bibliothèque familiale, tout ce que je pouvais sur l’antiquité celtique, sur la mythologie, je notais, sur un carnet, des mots communs entre nos langues, je dessinais sous l’influence de Hallstatt et de La Tène.
Même si je dois reconnaître que ma première émotion n’était pas si éloignée du romantisme celtomane, celui-ci n’avait pas que du mauvais, puisqu’il m’amenait progressivement vers des connaissances sérieuses, une éducation celtique sur de vraies bases.
D’ailleurs, le mépris, qu’ont subit culture et civilisation celtiques, est plus choquant que la celtomanie. Celle-ci a au moins l’avantage de faire rire.

2/ ROCK CELTIQUE

L’idée qu’on pourrait laisser disparaître ce qui restait de nos ou notre culture m’était absolument insupportable. Je rêvais de la communiquer à beaucoup d’autres, mais comment ?
D’abord, je ne voyais que le combat politique capable de changer les choses. Je mettais peu d’espoir dans les bagadoù ou dans des œuvres classiques pour que le plus grand nombre abandonne enfin ses blocages.

Mais, peu après avoir écrit les premières mesures d’un projet symphonique, c’est l’avènement du Rock ’n roll.
J’ai été séduit par ses emprunts aux influences écossaise et irlandaise, comme je l’ai été par ses aspects moderne, populaire et une certaine révolte contre l’ordre établi.
Au tournant des années 50/60, j’ai pensé à une fusion Rock-celtique instrumental et chanté surtout en Breton.
Artistiquement, sincèrement, ça me plaisait. Mais me plaisait aussi l’idée de contribuer à abattre les préjugés.
J’ai pu commencer à concrétiser ces idées au milieu des années 60.

3/ UNE MUSIQUE INTERCELTIQUE ET MODERNE

Telle est la musique que j’ai concocté, d’abord plus Folk, avec la harpe à cordes métalliques et qui sera la mienne sous mon tout nouveau nom d’artiste. J’alternais mes chansons et compositions avec des arrangements sur des thèmes traditionnels de tous nos pays. Je choisissais, de préférence, ceux pour lesquels une passerelle interceltique était assez perceptible : à la fois mes goûts et la pédagogie.

4/ COMMUNIQUER ET POPULARISER

J’habitais Paris. Je me suis lancé à sa conquête.
Il y avait urgence de s’adresser, dans un temps minimum, à un nombre maximum de gens.
En 1967, je signe avec une multinationale. Un point de départ. Car, bien sûr, complété par un investissement personnel, sans compter le soutien de personnes de cette maison à Paris et à Londres et l’abnégation de mon entourage.
Après avoir déjà chanté et joué hors de l’hexagone (dont le Queen Elizabeth Hall en 6Cool, à noter le concours de Killarney en 1970 où je me fais pédagogue, puisque je choisis deux airs bretons dont le cousinage avec des thèmes gaéliques s’entend assez facilement.

Je ne suis pas assez modeste pour ne pas redire ici la joie qu’a été ma rencontre inespérée avec un grand public, dans tout l’hexagone, mais aussi dans tous les pays celtes, en Angleterre, aux USA, au Canada, en Espagne, en Italie, en Allemagne, en Australie.

Quand j’entre dans les hit-parades des radios françaises (à partir de fin 71), rapidement, l’interceltisme devient une évidence pour les annonceurs radio. Je « ris dans ma barbe » quand ils vont jusqu’à présenter comme breton un morceau tel que « The King of The Fairies ». D’une certaine façon, c’est bien que s’installe le sentiment que la Bretagne fait autant partie de la Celtie que de la république française.

« Renaissance de la harpe celtique », a rencontré un réel succès, pas seulement dans l’hexagone, mais de l’autre côté de la Manche et de l’Atlantique. Une influence, là-bas aussi, même s’il s’agit d’abord d’un public plutôt intellectuel, étudiant, le monde de la musique et du cinéma. Mais c’est à ce moment qu’on entend parler de « Brittany » en dehors des restaurants gourinois de New-York, et qu’on apprend que c’est une nation celte.
C’est un breton, et non un irlandais, qui donne envie de jouer ou de construire des harpes celtiques.

C’est surtout à partir de 1973 que le grand public irlandais s’est intéressé à moi. Beaucoup d’interviews dans la presse britannique et irlandaise. Le Melody Maker nomme « Chemins de Terre » album de l’année. A la télévision à Londres, à Glasgow, à Cardiff, à Dublin, tête d’affiche du festival de Cambridge, mais aussi au festival Rock de Reading. Mes décibels résonnent dans les plus grandes salles, notamment Usher Hall à Edinburgh.
Et après les deux concerts du National Stadium de Dublin, en 1974, et l’album « Live in Dublin / E Dulenn », on me reconnaît dans la rue, autant en Irlande que dans l’hexagone.
Donc une prise de conscience de la réalité bretonne et inter-celtique par un public qui n’est plus réduit à des militants et des intellectuels.

Si j’étais sûr que tout le monde le savait, j’éviterais « d’étaler » ça moi-même. Je crois que la majorité des gens n’imagine pas cet accueil, en particulier hors des frontières bretonnes et françaises.

Je pense évidemment le plus grand bien d’autres acteurs, en particulier Jean-Pierre Pichard et le Festival de Lorient. Mais je sais qu’il sait se défendre tout seul.
Le flambeau passé à Lisardo, je peux m’arrêter un instant sur les pays du sud.

En Galice et en Asturies, je ne voulais pas y jouer tant que Franco était vivant.
Puis, le groupe Gwendal (qui ont été séduits comme d’autres musiciens par ma démarche), comme moi-même, nos disques et concerts en Espagne ont donné (je pense que Lisardo le confirme) une forte impulsion à une prise de conscience celtique.

En Italie, grâce aux radios libres, le public est venu remplir les stades pour mes concerts (14000 personnes rien que pour moi à Rome et à Milan, acclamant quelqu’un qui chante en celtique…), développant un intérêt nouveau pour la musique celtique et pour la Bretagne. C’est un fait que les italiens ont afflué ensuite à Lorient et continuent de m’inviter régulièrement chez eux.

Ma promotion de la culture celtique s’est continuée dans bon nombre de pays, comme l’Allemagne et l’Australie (où aucun chanteur français, aucun chanteur francophone –excusez la publicité comparative…- n’a pu remplir comme moi les palais des sports).

Mais, rassurez-vous, j’ai aussi raté des choses. Je ne vais par forcément les développer ici…
Mais la première, c’est de ne pas avoir pu pérenniser cette notoriété, à part des souvenirs de jeunesse pour certains.

B. LA CELTIE TOUJOURS LA

1/ Historiquement,

ce furent des siècles de vie commune, ou presque, une même civilisation néolithique, puis une même celtisation, puis les mêmes influences germaniques, latines et de la péninsule ibérique, et des échanges incessants.

Nos voisins anglais et français nous ont séparé.

2/ Une famille linguistique :

c’est évident, mais j’aime rappeler qu’aucune langue n’est plus proche du Breton que les autres langues celtiques. Des centaines de mots courants, sans compter des mots de la toponymie, inter-compréhensibles.
En dehors des mots, bien d’autres aspects font des langues celtiques une famille. Et on sait l’interaction entre langues, concepts et psychologie.

3/ Un habitat

Un type de maison domine en Bretagne, au moins en majorité relative, aujourd’hui souvent sous des formes dérivées, comme il domine encore relativement, dans les 5 autres pays celtophones.

– maison à deux pentes,
– deux pignons aveugles ou semi-aveugles,
– un mur arrière aveugle ou semi-aveugle,
– deux cheminées (parfois une), en pignon et en faîtage, les pignons débordants des toits où l’inverse selon les régions.
– symétrie des ouvertures, porte au milieu, fenêtres autours
– seulement un rez-de-chaussée ou avec un étage, tout aussi symétrique ;
– couleur dominante blanche, puis pierre apparente, puis d’autres couleurs – diverses dans des îles et certaines côtes, grises par endroits et l’ocre apparaissant à l’Est

Car c’est jusqu’à la géographie de ses déclinaisons qui est comparable. Je suis preneur évidemment de statistiques plus systématiques. Ce type de maison se continue dans les régions avoisinantes pour disparaître ailleurs, sauf des exceptions comme le Massif central. Cette mode adoptée principalement par les celtes est d’autant plus étonnante qu’elle n’apparaît qu’après le Moyen-Age. Le climat et la géologie ne sont pas l’explication quand existent, dans les mêmes parages et la même période, d’autres types de maisons, exprimant visiblement d’autres influences culturelles.

4/ La musique celtique, une passerelle

Pour moi, j’ai toujours pensé totalement illogique et incohérente l’idée que toutes les formes d’expression d’une famille de peuples pourraient avoir des points communs particuliers, sauf la musique.
Ceux qui le croient se trompent de critères et ne restent qu’en superficie.
Ce qui est vrai est que, même dans les régions celtophones, les musiques résistent plus difficilement aux influences extérieures que les langues. L’imprégnation des influences française et anglaise est forte partout. C’est parce qu’elles sont dominantes que certains observateurs, un peu pressés, considèrent, par exemple, la musique bretonne comme une variété de musique rurale française. En observant les musiques, partant des frontières pour aller dans les régions celtophones, puis, voyageant à l’intérieur même de ces régions, on peut constater (ce que veut aussi la logique) que des traits de caractères propres s’accentuent à mesure qu’on s’éloigne des aires d’influence étrangère directe : les régions limitrophes (Pays Gallo, Lowlands), comme là où les échanges sont importants et constants depuis longtemps (les ports et les villes), y compris en Basse-Bretagne.
On peut en déduire que ce sont des tendances autochtones fortes. Elles peuvent facilement être occultées, vue leur marginalité, et vu qu’elles ne dominent même plus les endroits restés longtemps à l’écart. Je parle de la Bretagne ; c’est encore plus grave au Pays de Galles, mais nettement moins dans les Gaeltachta d’Ecosse et d’Irlande.

Rapidement, une dizaine d’aspects principaux, existant séparément chez bon nombre de peuples, mais réunis uniquement dans les pays celtes, plus particulièrement Bretagne, Irlande, Ecosse, Ile de Man.

Rappelons d’abord les interactions entre langues et musiques

– Bien sûr, l’influence de langues cousines. Un exemple est le cousinage entre les syncopes écossaises (scotch-snap) et les syncopes galloises, celles-ci directement liées aux accents toniques, comme bien d’autres inter-influences entre langue et musique.

Dans les notes et les gammes

– On a souvent parlé des modes anciens. Notamment modes de la, de ré, de sol (le mode de mi plus courant dans le vannetais).
Mais la suite montre qu’ils ne sont pas pleinement « respectés ».

– Gammes défectives (ou pré-heptatoniques): certaines notes de la gamme diatonique (à 7 degrés) sont « évitées », au moins dans une partie d’un morceau (donc des thèmes au moins partiellement hexatoniques ou pentatoniques, exemple A et B de Metig).

– Intervalles suivant d’autres tempéraments que la musique occidentale classique.

Dans les rythmes et les structures

– L’importance du Rubato, au point que même une marche peut donner l’impression de se jouer du tempo, justement en ne gardant que quelques points d’appui (cf mélodie ou marche traditionnelle bretonne, interprétation du sean-nos ou chant traditionnel gaélique).

– Importance du « tuilage » sous différentes formes (débuts et fins de phrases se croisant, faisant perdre un peu l’impression qu’il y a un début, une fin).

– Rythmes pas souvent franchement binaires ou ternaires, basés sur des fractions plus subtiles.

– Structures simples le plus souvent (mesures à 4 temps notamment). Pas ou peu de mesures composées. Mais l’interprétation peut en donner l’illusion par des cycles rythmiques complexes et superposés

– La dissymétrie est privilégiée : la réponse différente de l’exposition.

Pour les timbres

– Une esthétique qui met en valeur aigus et harmoniques (binioù-kozh, bombarde, cornemuse écossaise, harpe cordes métal). Influence jusqu’aux guitaristes électriques bretons, écossais, irlandais.

Dans le bourdon et l’harmonie

– Le principe du bourdon influence fortement les mélodies celtiques, et, avec les intervalles non-classiques, oriente de façon particulière l’harmonisation moderne (cf accordage « Dadgad » de la guitare celtique). Comme le faisaient et le font les résonances de la harpe bardique. Bourdons et résonances, la musique celtique n’aime pas les silences.

5/ Il y a bien sûr d’autres domaines, des points communs dans la spiritualité, des habitudes, l’esthétique artistique, que je n’ai pas le temps de traiter ici.

C. CONCLURE

Où s’arrête le monde celte aujourd’hui ?
Mon point de vue est que la Celtie peut accepter en son sein des pays non-celtophones, comme elle le fait pour les régions non-celtisantes de Haute-Bretagne ou d’ailleurs. Mais, pour être cohérent, il faut encourager ceux qui s’en réclament, la Galice, l’Asturies et d’autres, à s’intéresser encore davantage à la culture celtique, y compris les langues.

Chacun des pays celtes souffre de chauvinisme. Les anglo-celtes restent plutôt enfermés dans « l’empire » anglo-américain, encore plus que les bretons dans « l’empire » français.
Maintenant que les pays celtes sont au moins autonomes (sauf l’exception bretonne, la fameuse exception française !), des coopérations s’accentuent entre les pays celtes d’influence anglaise. Il faut espérer que l’Europe sera le moyen de resserrer les liens aussi avec la Bretagne. Pourquoi pas imaginer un bureau commun à Bruxelles ou à Dublin ?

Rééquilibrer nos deux grands pôles d’influences, d’un côté français ou anglais (ou hispanique ?), celtique de l’autre, ce n’est pas imaginer l’éradication de l’influence française ou anglaise, c’est re-tisser les liens naturels et ancestraux avec les autres celtes. Que le pôle celtique ne soit plus le parent pauvre de nos identités.
Loin de moi, loin de nous, l’arrogance mortifère qui a été celle de nos conquérants.

Mes excuses d’avoir parlé en Français à ceux qui, comme moi, ont fait l’effort d’apprendre le Breton, considérant qu’il n’y a pas de culture générale sans notre langue, ici, dans notre pays.

Digarezit ac’hanon, ar re o deus desket ar Brezhoneg, o soñj n’eus ket a sevenadur hollek hep hor yezh, aman en hor bro-ni.

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Posté : 16/10/2010 4:04 pm

 

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