IDENTITÉS
Ici, je reprends un passage de mon autobiographie.
Je suis né, par filiation paternelle, « Breton de l’extérieur ».
Par la suite, l’imprégnation culturelle me fait devenir ce que la langue bretonne nomme Breton (prononcer « BREtoñn »).
Mais la première identité est, bien sûr, « DEN », un humain (il faut noter que dans le mot celtique ne filtre aucune préférence masculine).
Le genre, ça se discute ou pas, à chacun de voir.
Ensuite, pour l’ethnie, comme pour la culture, même observation : nous sommes tous métis, tous issus d’identités diverses. Les dosages possibles sont infinis : tous pareils et tous différents. Le Breton penn-kil-ha-troad, tête-cul-et-pied, 100%, ça n’existe pas ! C’est l’immense richesse des personnes et des peuples, des origines et des cultures.
Lorsqu’une appartenance domine objectivement, la liberté humaine permet d’en tenir compte ou pas. On peut se réclamer d’une part de soi qui nous semble subjectivement plus importante que les autres et afficher la volonté d’être d’un pays, d’un peuple (même si on a perdu sa langue spécifique). C’est selon moi un droit inaliénable.
Ce que je viens d’évoquer laisse entendre que deux identités ont une importance majeure pour moi: citoyen du Monde d’abord, puis breton. Je relie directement la qualité de breton à celle de celte. Je pourrais dire qu’après humain, je suis celte et breton. Un petit mot concernant les Celtes. On peut lire partout (quasi) que les Celtes n’ont jamais été un peuple ni une ethnie, encore moins une race. Le fait qu’on soit tous métissés, et des antécédents historiques monstrueux n’empêchent pas toute recherche génétique, aussi utile pour la médecine que pour le récit des mouvements de population. Les tests ADN ont démontré qu’il n’est pas moins vrai que les peuples celtes atlantiques actuels possèdent une forte convergence de l’ADN. Celui-ci prouve bien les échanges privilégiés ayant eu lieu pendant des millénaires, à travers l’archipel celto-atlantique. Oublions donc les ricanements de « doctes » personnes, confondant une vision d’un monde celte antique de l’Asie mineure à l’Atlantique avec la réalité, y compris ethnique de peuples celtes modernes (.avec toutes les réserves quant à une utilisation diabolique de cet aspect). Et quid de l’Europe et de la France dans ma poly-identité?
En troisième, je suis effectivement citoyen de l’Europe,
espérant que celle-ci s’améliore sur le plan des droits humains, dont les droits culturels et sociaux, qu’elle rende plus libres les ponts-entités comme la Bretagne, à cheval sur les frontières étatiques, situation concernant en fait la moitié d’entre nous. Et cette réalité, qui
devrait être évidente, est occultée par l’immense majorité des gens.
Car enfin, je suis aussi citoyen français avec, de plus, une très forte imprégnation culturelle française. Les territoires périphériques, passerelles entre les états, sont reconnus par tout le monde en tant que minorités nationales. La France les reconnait (presque) partout, et se trouve dans le déni total et peureux concernant celles qu’elle administre.
Doit-on encore apprendre à certains que la Bretagne n’est tellement pas une vraie région qu’il en faut déjà deux? Est-ce si difficile à beaucoup de concevoir que le Royaume Uni comprend plusieurs peuples, et que c’est en fait le cas de tous les états? C’est pourquoi la langue bretonne dit Bro-C’hall pour la France sans la Bretagne (ni la Corse, l’Alsace-Moselle, ni l’Occitanie, ni la Catalogne, ni la Flandre, ni le Pays basque, à voir pour la Savoie), et elle dit Ar Frañs pour la France avec ses minorités. Je préfère C’hwec’hkogn (Hexagone). Le breton facilite la compréhension du parallèle avec Angleterre versus Royaume Uni.
A ces différents étages d’identités, je pourrais ajouter les locales: ma naissance et mon année et demi en Auvergne ont elles pu m’influencer (à part un goût pour ce type de Montagnes)? Par contre, j’ai eu une forte imprégnation de Paris. Mais si j’ai été marqué par des vacances à la Trinité sur mer, Langoned et le pays de Gourin auront fait à jamais de moi (et de ma compagne et nos enfants) un Langonnetais (mes amis et cousins acquiescent). Chers habitants de Lanvezhon et du pays rennais, excusez que je me sente moins de là, malgré un réel plaisir à y vivre de longs mois par an et croiser tant de gens sympas. De même pour Carnac qui, de plus, me rapproche de mes souvenirs d’enfance et d’autres cousins.
Je trouve important de redire ici une chose me paraissant bien claire et tellement peu diffusée. En schématisant à peine, l’humanité se partage à moitié entre tenants d’une identité plutôt mono, et une autre moitié « A cheval ». Comme dans à peu près tous les états, il y a, sur le territoire européen de la république française (l’Hexagone), une moitié de la population se rattachant à une identité qu’on pourrait dire « franco-française« . Une autre moitié est à cheval sur un pont, sur une passerelle: ce sont les Bretons-Bretonnes, comme sept autres minorités nationales, où les gens ont réellement une double appartenance, intermédiaire entre la « Franco-France » ou la (plus élégante) Francie et des pays européens voisins. Il y a aussi, dans cette moitié, des personnes de double appartenance non territoriale, se perpétuant depuis de multiples générations, ou bien des immigrés plus ou moins récents. Tous ces gens forment cette moitié (ou une peu plus?) de « bi-nationaux » (non officialisés). Admettre ou non le factuel n’est pas une option. Comment ne pas faire avec la réalité? Cette réalité, une fois admise, est source de positivité, de créativité, et, parfaitement assumée, devient même pacifiante. La culture franco-jacobine, soi-disant universaliste, plutôt autruche, donne surtout peur que la moindre référence à ces différences ne mènent tout droit à ce qu’elle appelle « communautarisme », voire à des idéologies ou pratiques racistes. Cela provient essentiellement de la vieille confusion, dont on a tant de mal à se défaire, confusion entre différence horizontale (égalitaire) et différence verticale (hiérarchique).